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(Text in french only)
Visiter une exposition d’Olivier Mosset peut inspirer de déroutantes expériences.
Des tableaux monochromes ; une ligne traverse quelquefois la toile de part en part. Aucun indice, aucun signe. Le regard glisse, indéfiniment.
Le travail d’Olivier Mosset ne se révèle que lorsque l’on quitte l’espace d’exposition.- Il n’y a rien sur cette toile, mais pourquoi m’obsède-t-elle ainsi ?
– Ce n’est que du rouge, mais pourquoi ce sentiment de pertinence, de prégnance ?
Artiste neuchâtelois de renommée internationale, Olivier Mosset a marqué en profondeur la pratique de la peinture ; il continue de surprendre le monde de l’art contemporain par la justesse de ses interventions.
– [MOW] “Pas de sujet, pas d’image, pas de goût, pas de beauté, pas de message, pas de talent, pas de technique, pas d’idée, pas d’intention, pas d’art, pas de sentiment”. Ce manifeste de
l’indifférence – que Cage écrit en 1953 et dont on a dit qu’il anticipait le principe de neutralité et d’effacement du groupe B.M.P. T – est-il toujours de mise dans ton travail ?
– [OM] Il faut tout d’abord préciser qu’il n’y a jamais eu à proprement parler de “groupe B.M.P.T”, mais tout simplement quatre artistes qui ont travaillé ensemble à un moment donné. Il y avait au départ la volonté de faire une peinture qui se voulait objective (encore que je ne sais pas si cela est possible) et critique à l’égard de l’illusion, de la représentation, du message et… de l’art en général. Par la suite, ce regard sur le monde que peut quand même être l’art s’est opéré selon une dialectique inverse, ou négative : si l’on arrivait à voir la peinture comme de la peinture, quelque chose que l’on regarde, simplement, alors le reste du monde pouvait être et rester ce qu’il était. La peinture, qui est une pratique limitée, permet – si l’on sait rester dans ces limites – un autre regard, une autre attitude. En dehors du système de l’art, il y a un autre système, Celui de la réalité, qui doit garder son identité. Et il est important que l’art n’essaye pas de le recouvrir.
– Mais si tes peintures semblent n’être là que pour elles-mêmes, dénuées de toute structure signifiante, résistant à toute investigation, il est dans le même temps difficile de se focaliser
uniquement sur l’oeuvre elle-même, rendue à son plus simple statut de peinture ; et on ne peut alors que “glisser” sur sa présence dans un espace qui doit s’envisager comme une globalité, où l’artefact, le lieu, la lumière, et par extension la réalité, fondent autant de relations, voire de conditions concomitantes. Comment envisager l’autonomie de la peinture ?
– Bien sûr je ne suis pas dupe : l’autonomie de l’art n’existe que dans un système. Il s’agit donc d’une idée toute relative. Mais plus la peinture se rapproche d’une certaine autonomie, plus elle est intéressante. Et l’on sait qu’elle n’y arrivera jamais totalement. On tourne indéfiniment autour d’un pot qui n’existe peut-être même pas.
– Tu évoques une pratique de la peinture. Qu’en est-il des sculptures que tu as réalisées dernièrement ?
– Il y avait l’idée de faire un pas de côté, de réfléchir à la peinture sans la pratiquer, d’expérimenter cette dialectique entre surface et objet, qui appartient à une tradition récente de la peinture.
– Comment se faire une idée de l’évolution de ton travail ? De quelle manière est-elle 1iée aux conditions de production et de réception d’une époque ? De quelle manière un cercle peint en 1987 se différencie-t-i1 d’un autre peint en 1967 ?
– Les deux cercles de 1987 ont été peints en couleur, allusion à la polémique qui faisait alors rage sur la colorisation des vieux films. Il s’agissait donc d’une version “en couleur” de mes anciens cercles. Il y avait également une volonté d’auto-appropriation, d’auto-citation, en rapport avec la vague des “citationnistes” de l’époque.
(Propos recueillis par Marc-Olivier Wahler en mai 1996 et novembre 1997)
Opening May 18, 1996
Exhibition from May 19 to June 16, 1996
CAN Centre d’art Neuchâtel, Olivier Mosset