Date Contrefort

27.04 – 07.05.2010

Projet Projet

Contrefort

Programmation L'OV

Le titre de l’exposition renvoie directement à l’intervention de Jonas Etter dans la cave du CAN, qui consiste en la construction d’un mur en béton servant de contrefort à un écran de projection qu’il soutient et érige. Placée précisément sous la voûte, l’installation fait écho aussi à l’histoire de l’architecture religieuse, plus particulièrement gothique, qui a usé massivement du contrefort dans son désir d’élévation et pour garantir la solidité de ses cathédrales. Cette question de la solidité liée à l’emploi adéquat ou non des contreforts fut à la source d’un conflit technique qui traduisait en réalité un débat esthétique essentiel et éternel: entre classicisme et nouveau style, austérité et élévation.

Dans cette exposition, Jonas Etter ouvre précisément le discours depuis le terrain de la solidité, un contrepoint à son travail antérieur plus porté à l’éphémère et l’instabilité. L’artiste entend la notion de solidité, comme dans le cas du contrefort, en terme de jeu d’équilibre et de co-dépendance plus que de fermeté et de massivité. Ce mur n’est pas seulement un simple élément de maçonnerie qui fonctionne comme rappel artificiel et mise en évidence de l’architecture du lieu. Avec une économie de moyen efficace, il réussit dans cette intervention à mettre en relation d’équilibre base et cadre, deux fondements essentiels à l’élaboration de toute sculpture ou image. La poésie et l’intelligence du dispositif parvient même à créer dans cette pièce une unité qui donne à voir un tableau.

Chaque travail présenté comporte plusieurs strates de lecture par des astuces et choix subtils. Le plasticien n’a pas peur de se confronter à certains fondamentaux de l’histoire de l’art, comme la ligne et le cadre. Alors que toute la quête de l’avant-garde et de la modernité tendait à sortir de tout cadre, forme ou limite, Jonas Etter réinterroge ces notions avec élégance: un écran-cadre à la cave, qui transforme un mur de béton en paysage linéaire semi-abstrait, un aquarium rempli d’eau au studio sert de cadre à un dessin qui trace une même ligne d’horizon abstraite, suggérant peut-être qu’il est vain de vouloir se débarrasser de l’idée même du cadre, comme si l’équation image=cadre était irréductible, mais néanmoins toujours en quête d’être saisie.

Au studio, le Material Ranking donne à lire une liste de matériaux classés selon les préférences de l’artiste. Cette pièce peut renvoyer avec une certaine ironie au star système de l’art contemporain, à son obsession des cotes régies toujours plus par des critères obscurs. Mais la subjectivité de cette liste exprime surtout le respect et l’amour de Jonas Etter pour la matière.

Material Ranking fonctionne subtilement comme le miroir inversé de l’exposition. Cette fois la matière semble ramenée à la deuxième dimension sous le cadre, et c’est par le texte que celle-ci est convoquée et condensée ; la liste sous cadre comme l’image d’un point de départ de création qui contiendrait des infinies possibilités de recherches. La simplicité et la force de cette œuvre est à l’image de tout le travail de Jonas Etter, qui parvient, avec des moyens épurés à évoquer toujours bien plus que ce qui est présenté, tendant à une esthétique plus proche de la poésie du zen que d’un minimalisme froid.

M+M

Equipe de la L’OV:
Marie Villemin, Marie Léa Zwahlen