Date dwelling with the shadows

15.03 – 14.04.2024

Projet Projet

dwelling with the shadows

Vernissage 16.02.24, dès 18h

 

(Co)habiter avec les ombres, lorsque le soleil disparaît,
Savoir percevoir où elles se logent lorsqu’elles ne laissent plus de traces,
Quand elles ne donnent plus signe de vie.

Voilà de quoi parle l’espace créé par Nastasia Meyrat et Mina Squalli-Houssaïni, un lieu imaginaire, simulé où le rêve prend le pas sur ce qui nous enveloppe.

L’espace est peuplé de créatures plante-oeuf, cadavres exquis mais vivants de Nastasia Meyrat. Cette chimère tournesol s’élance à travers la pièce, entre humain, végétal, fétiche, divinité et objet. Une identité multiple et multiforme, sans armure, presque brisée, à vif. Elle se (dé)plie aux regards qui s’en emparent, se prête à toutes les dialectiques qui s’imposent car elles émanent d’une absurdité logique ou d’un aberrant bon sens.

Ces plantes-oeufs donnent une impression de vivre ensemble, le tout fait sens, chaque individu se ressemble, alors se rassemble. Une fois matérialisées, les ombres de ces silhouettes joyeusement effrayantes touchent au cauchemar : un tragique ridicule ou une hilarante terreur. Elles valsent, insaisissables et évanescentes, disparaissent à de rares moments de synchronisation, et apparaissent à nouveau, toujours subtilement différentes, sans laisser de trace. Le décalage désenchante et vient questionner l’utopie du collectif.

Les ombres se sont aussi figées sur les tapisseries au mur. Elles y laissent des signes plus visibles, des indices, des traces à tout jamais évocatrices. En découle des narrations multiples pouvant être perçues comme utopiques, anti-autoritaires et solidaires, vivantes, qualitatives, quantitatives, en somme ouvertes aux interprétations. Les tissus sont rapiécés comme des associations d’idées formant un grand patchwork. Toutes les formes existent par elles-mêmes, mais un lien les lie toutes entre elles, et de ce collectif jaillit un sens propre à cette union, rassurant les regards capables de les reconnaître.

L’ouroboros tourne en rond, fétiche presque sacré qui trône pour nous rappeler que tout ceci n’est qu’une répétition perpétuelle. Il veille sur ces ombres vouées à disparaître, laissant la place à d’autres. L’espace est dénué d’une quelconque autorité, si ce n’est celle du temps qui passe. L’immaturité formelle de ces oeuvres, réconforte les regards alertés par le fatalisme inévitable émanant de chaque cycle.

Les cadres métallisés de Mina Squalli-Houssaïni, résidus industriels, dans lesquels elle tisse ses toiles et ses résilles, des protections ou portails, qui filtrent ou laissent passer les lumières, laissant les ombres prendre de toutes nouvelles formes. Opacifiant ce qui passe à travers ou capturant le fragment d’un passage. Ce sont des fenêtres, des écrans qui permettent à l’oeil de toucher l’invisible, le visible étant obstrué. À chaque instant, cette oeuvre peut être perçue différemment, en fonction du passage du soleil dans la pièce. C’est une relation qui s’instaure avec son environnement d’exposition. L’artisanat, ici, s’oppose comme un rempart à l’industrialisation massive des objets. Les cadres ne sont pas identiques, ils ne se ressemblent pas mais se rassemblent pour faire barrière ensemble, contre les voyeurismes. Ils dissimulent pour mieux montrer, chargeant la pièce d’une allure presque érotique. C’est cet interstice et ces permanents paradoxes que les deux artistes évoquent dans cet espace aux allures d’appartement témoin, où les idées rapiécées en patchwork et en chimères, s’agglutinent et se matérialisent. Ici, les dualités cohabitent, elles ne s’annulent pas, elles se transforment. Dans cet espace, on se demande où vont se loger les ombres, on les découvre surpris·x·e, comme pour la première fois. Et même si elles nous effraient on finit par les rendre familières.

dwelling with the shadows nous entraîne dans un théâtre d’ombres immersif à la rencontre de paradoxes intimes et de questions communes. On cherche sa place dans le collectif et l’individuel, à travers le figuratif et l’abstrait, l’explicite et l’implicite, le public et l’intime. À force d’être encerclé·x·e par toutes ces silhouettes valsantes au rythme des vicissitudes du temps, de jour comme de nuit, on se rappelle que les ombres n’existent que dans l’omniprésence de la lumière. On se demande où se trouve le soleil, et on comprend qu’en chacune de ces ombres réside un bout de celui-ci.

–Yasmeen El-Hamdani

Équipe du CAN:
Martin Jakob, Sylvie Linder, Nicolas Raufaste, Liza Trottet, Sebastian Verdon