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Et le joueur que vous voyez maintenant quitter le terrain, c’est Gianniiii Motti ! Un artiste qui cherche à créer des ponts entre le monde de l’art et le monde du football… Annoncée par le speaker officiel de l’équipe de football Neuchâtel Xamax, la performance de Gianni Motti n’aura duré que le temps de fouler la pelouse de la Maladière et de saluer, avec tous les joueurs, les quelques onze mille spectateurs présents ce soir-là (qui a dit que l’art contemporain n’intéressait personne?). Brève, cette performance n’en est pas moins symptomatique du travail que poursuit cet artiste.
En jouant sur la fragmentation de l’identité individuelle, Gianni Motti parcourt depuis plus de dix ans les diverses voies lui permettant l’expérimentation de pratiques dont chacun de nous – à un moment donné de notre existence et à des degrés divers – a peut-être imaginé endosser. Dans nos rêves les plus fous, la vie ressemble souvent à un jeu de rôles, dont les modalités et le développement s’accordent selon nos désirs. Footballeur professionnel, Gianni Motti peut aussi se transformer en dangereux terroriste et revendiquer, par voie de presse et photos à l’appui, le terrible tremblement de terre de Los Angeles en 1992. Il donne de l’urticaire aux galeristes en sectionnant la base des cimaises, leur conférant dans le même temps une étrange légèreté. Il vit son propre enterrement et demeure impassible devant les milliers de personnes, lors d’une gigantesque procession en Espagne, qui pleurent sa mise en bière. Il ouvre dans une galerie un cabinet de psychanalyste et écoute attentivement les doléances des patients, pour la plupart des acteurs du monde de l’art.
Les mâts de cocagne que Gianni Motti présente cet automne au CAN soulignent parfaitement l’utopie qui sous-tend sa démarche artistique. La Cocagne, Eden lointain, Graal virtuel, plane toujours quelque part au-dessus de nos têtes. Voilà une illusion apparemment accessible à condition de faire fi des obstacles et des dangers. L’utopie, c’est aussi le mirage de la lévitation ou de l’invisibilité. Avec la collaboration du fameux illusionniste Mister “R.G.”, l’artiste en vient à cristalliser ses chimères: il flotte dans les airs, se fait découper en rondelles avec le sourire, disparaît et apparaît à volonté…
Jeu de rôles, appropriation de comportements (celui du sportif, du terroriste, du docteur, etc.), dispositif mimétique, les pratiques créatives repérables chez Gianni Motti semblent s’accorder aux diverses formes artistiques d’aujourd’hui. À y regarder de plus près, cependant, un paradoxe subsiste. Alors que l’existence dans le monde de l’art passe conventionnellement par l’affirmation d’une identité, où l’artiste doit pour subsister défendre une position bien repérable, Gianni Motti semble quant à lui revendiquer le brouillage des codes, l’égarement à travers la jungle de nos signes. On assiste ainsi à un glissement d’une logique de l’identité, précise et définie, à une logique de l’identification, aléatoire, transitoire, voire illusoire. Promeneur intrépide, il plonge dans notre univers quotidien sans trajectoire prétablie. Il joue à s’égarer au gré de ses promenades… Car l’histoire est bien connue, c’est en s’égarant que les explorateurs ont découvert l’Eldorado.
Marc-Olivier Wahler
Vernissage le 9 septembre 1995
Exposition du 10 septembre au 22 octobre 1995
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Photo: Joël von Allmen, assistant Matthieu Oppliger
Visuel de l’exposition Gianni Motti
CAN Centre d’art Neuchâtel, Gianni Motti