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Quoi de plus évident, finalement, que la peinture prenne appui sur l’architecture. C’est le point de départ inéluctable que prend Jonathan Binet quand il pense et produit une exposition. La considération de l’espace et de l’architecture du lieu d’exposition pose les conditions nécessaires au déploiement d’une peinture en action, presque une chorégraphie. Les spécificités des lieux (escaliers, fenêtres, cimaises, angles), parfois légèrement remaniées par l’artiste, servent d’amorces à une posture, de tremplin au geste; la trace de pied sur le mur après avoir sauté le plus haut possible, pour y déposer un point de peinture, plusieurs fois de suite. Jonathan Binet trace des lignes sur les murs à l’aide de sprays colorés, de crayons de papiers, de fils de différents diamètres et matières, de scotchs, ou en creusant directement dans les murs à l’aide de scies circulaires. Les gestes abstraits peuvent devenir très concrets, ou l’inverse, on ne sait plus.
Son appartenance au dessin se lit dans l’attention portée au trait et à la ligne, droite, courbe, à demi effacée, parfois salie ou encore extrêmement nette. La tension entre hasard et préméditation, qui traverse tout le travail de Binet, l’amène à rechercher le juste équilibre entre précision géométrique et repentir, imperfection désirée ou redoutée. Ces dessins organisent des sortes de parcours dans l’exposition, qui sont parsemés de toiles aux formes parfois étranges. Les œuvres sont pour la plupart issues d’actions, de gestes, de séquences picturales minutieusement composés par l’artiste. Les tableaux sont souvent maltraités, les cadres explosés, ou à l’inverse des toiles vierges sont simplement accrochées, telles quelles, sur des peintures ou dessins muraux.
Tout, chez Binet, semble perméable et doué d’amplitude, l’espace comme la temporalité. Les murs, par exemple, fonctionnent parfois comme des supports solides pour d’autres objets, mais ils peuvent dans d’autres situations être littéralement traversés, transpercés comme des toiles ou de simples feuilles de papier. Ailleurs ils deviennent des images, aux profondeurs ambiguës, ou encore des sculptures qui débordent dans l’espace. À la perméabilité des lieux s’ajoute la perméabilité du temps. Déterminé à entremêler processus de création et résultat, Binet prévoit des actions picturales futures et revient sur les actions passées, les corrige, les rejoue. Le passé n’est pas irrémédiable, on peut le visiter et changer son cours. Le futur est mis à l’épreuve et évalué, on le prévoit, on l’essaie, on l’arpente.
Les baskets de Jonathan n’ont plus de lacets depuis maintenant plusieurs jours et c’est avec un enthousiasme teinté de nonchalance qu’il nous les montre, attachés au bout d’une longue ficelle qui serpente dans les espace du CAN formant un début de dessin monumental. Cette intervention fera peut-être partie de l’exposition, ou sans doute aura-t-elle disparue dans quelques heures, remplacée par une autre expérience que l’artiste aura jugé plus pertinente.
Jonathan Binet, né en 1984, vit et travaille à Paris.
Vernissage le 25 avril 2014
Exposition du 26 avril au 25 mai 2014
Équipe du CAN:
Arthur de Pury, Marie Villemin, Martin Widmer, Marie Léa Zwahlen, Julian Thompson
Jonathan Binet, vue de l’exposition Justesse et Quiproquo
Photo: Anton Satus
Jonathan Binet, vue de l’exposition Justesse et Quiproquo
Photo: Anton Satus
Jonathan Binet, vue de l’exposition Justesse et Quiproquo
Photo: Anton Satus
Jonathan Binet, vue de l’exposition Justesse et Quiproquo
Photo: Anton Satus
Jonathan Binet, vue de l’exposition Justesse et Quiproquo
Photo: Anton Satus
Jonathan Binet, vue de l’exposition Justesse et Quiproquo
Photo: Anton Satus
Jonathan Binet, visuel de l’exposition Justesse et Quiproquo
par Möslang & Möslang
CAN Centre d’art Neuchâtel, Justesse et Quiproquo