Date Neverland

18.09 – 31.10.2010

Projet Projet

Neverland

«Lieu imaginaire où tout est parfait», la notion de Neverland est à l’image des utopies modernistes: un enchaînement sans fin de progrès. Mais la recherche d’une perfection, qu’il s’agisse d’architecture ou de design, de sport ou d’accomplissement personnel, part également du constat que le monde vécu, le présent, ne suffisent pas. Cette quête est donc aussi une conjuration contre la «vie», avec ses dérapages chaotiques et ses mauvaises surprises.

Les photographies de Patrick Weidmann, qui est également écrivain, jouent un double jeu: elles présentent d’une part la séduction d’un monde d’objets entièrement sous contrôle, attendu et désiré, d’autre part la faille, la fêlure à l’œuvre dans les éléments mêmes de cette séduction: un jacuzzi, une belle voiture, les enseignent lumineuses d’un fast-food produisent ou reflètent une violence matérielle due à leurs matériaux, incisifs, tranchants ou au contraire brutalement organique. Un effet visuel et tactile souvent plus prégnant que l’idée du confort qu’ils prétendent susciter. Mais ces objets sont pourtant ceux que l’économie marchande promeut comme désirables.

NEVERLAND fait dialoguer les photographies de Patrick Weidmann avec des objets de design, connus ou banals, qui leur répondent ou les prolongent. Le souci de l’artiste, cependant, n’est pas l’objet photographié en lui-même – il n’est qu’un prétexte ou, pour le moins, le représentant aléatoire d’un certain type d’objet (ou situation concrète de la réalité contemporaine). Son objectif, semble-t-il, est d’obtenir par le jeu du cadrage et de la lumière, un condensé d’émotion objective qui met l’objet, sa réalité même, entre parenthèses. De son côté, l’objet de design contemporain, qu’il soit une pièce unique ou produit en série, opère à un autre niveau. Celui d’un agencement idéal de la réalité même. Sa forme, souvent très sophistiquée, épouse l’idée moderniste d’une conquête d’un Neverland, un monde parfait où chaque besoin humain trouve une réponse immédiate.

Une telle confrontation, entre la photographie et le design, se joue d’abord sur un plan visuel (formes, couleurs et profondeur). Mais cela permet de déployer un jeu symbolique qui, éventuellement, révèlera le sens de notre relation au corps, aux loisirs, dans la mesure où ces «objets» – les images de stars et les situations stéréotypées de l’univers médiatique en font partie – sont présents à tous les niveaux de notre existence. La photographie, comme médium, se distingue de l’objet réel, du monde, en ce qu’elle l’utilise pour des besoins de fiction. Celle-ci est cadrée, figée, saisissable dans des limites clairement définies. L’objet est quant à lui le représentant d’une fiction – l’utopie moderniste – qui déborde largement tous les cadres, et s’inscrit au cœur de la vie elle-même qu’elle recouvre de sa toute-puissance. Dans cette perspective, NEVERLAND se conçoit comme un projet mettant en relation, dans un lieu spécifique, le centre d’art, l’idée contemporaine d’une recherche de la perfection et le regard avisé et critique d’un artiste sur cette même idée.
Gauthier Huber

Vernissage le 17 septembre 2010
Exposition du 18 septembre au 31 octobre 2010

Commissaire: Gauthier Huber