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Les deux artistes français Fabien Giraud et Raphaël Siboni travaillent ensemble depuis 2006 et se sont fait remarquer lors de diverses manifestations internationales (biennale de Santa Fe, biennale de Lyon, Palais de Tokyo). Le CAN les invite à présenter leur première exposition en Suisse.
L’exposition NILF calculating infinity provoque une confrontation saisissante entre l’abstraction du minimalisme et l’intimité extrême d’un « rituel » impartageable ; étrange rencontre entre Donald Judd et Chuck Palahniuk. La lente plongée dans une abstraction de l’innommable est augmentée par un processus progressif d’immersion physique et technique provoquant une forte impression de vertige et de malaise épurés. La vidéo qui clos l’exposition propose ainsi une version stéréoscopique (3D) d’un rituel fétichiste masturbatoire. Le clash produit par l’usage d’une technique issue de l’utopie d’un new age cinématographique, pour rendre les aspects les plus crus d’un fantasme ritualisé, ne laisse pas le spectateur indemne.
Dans la plupart de leurs travaux, Fabien Giraud et Raphaël Siboni se saisissent de « sous-cultures », « communautés » ou groupes humains définis par des pratiques singulières (pratiquants du tuning, joueurs d’airsoft, adeptes du straight-edge, candidats au Guiness book, etc.) comme matériaux premiers de l’œuvre. Le matériel saisit est constitué de pulsions faisant écho à notre inconscient collectif. Leur travail plastique est traversé par ces singularités psychotiques à tendances violentes ou déviantes. Suite à un affinage de ces pulsions au moyen de l’abstraction leurs sculptures donnent l’impression de se condenser dans de purs objets transitionnels. Conscients que le story telling transpire toujours de l’abstraction la plus stricte, Fabien Giraud et Raphaël Siboni recyclent ce suintement furtif pour l’utiliser comme d’un épaississant symbolique qui donne forme et profondeur à leur œuvre.
L’exposition présentée ici fait appel à des pratiques particulièrement singulières et dérangeantes dont le caractère extrême ne met que mieux en évidence les frontières floues sensées séparer le singulier de l’ensemble auquel il appartient pourtant. Ce qui fait transgression est soumis au point de vue. La forte variabilité d’échelle de jugement se renforce lorsqu’il s’agit, dans une démarche introspective, de mettre en perspective ses propres fantasmes. Si les deux artistes s’intéressent à ces pratiques singulières, ce n’est pas uniquement pour ces pratiques elles-mêmes, mais surtout pour la propriété générique de ces singularités. Il s’agit alors de mettre en évidence l’antinomie résultante d’un tout à l’apparence uniforme, lui-même formé d’éléments singuliers (dans les deux sens du terme). Le processus d’individualisation dans notre société est donc directement interrogé dans leur travail. En nous tendant un miroir aussi dérangeant que jouissif, Fabien Giraud et Raphaël Siboni nous renvoient une image floutée du processus de notre propre individualisation dans un décor hollywoodien de globalisation sans faille. Force est alors de constater que malgré le caractère insipide de ce décor et la réduction apparente des choix que l’on peut opérer au sein de celui-ci, l’émergence de singularités très particulières y reste constante.
Arthur de Pury
Vernissage le 7 mars 2009
Exposition du 8 mars au 12 avril 2009
CAN Centre d’art Neuchâtel, NILF calculating infinity