Date Chute Libre

08.09 – 27.10.1996

Projet Projet

Chute Libre

Patrick Corillon a des affinités avec Borges et le poète portugais Fernando Pessoa qui n’a eu de cesse de propager des personnages fictifs, des amis, des connaissances, engendrés par le texte, en leur construisant des vies propres et en entretenant avec eux d’étroites relations

Ainsi Patrick Corillon a lui-même créé une dizaine de personnages qui évoluent d’exposition en exposition à travers d’infimes bribes de leurs biographies. À l’origine, il ne dévoilait pas leur identité. Mais, depuis 1988, l’artiste bouleverse les données en sortant d’emblée de l’anonymat des personnages fictifs d’une autre époque, comme Oscar Serti, écrivain hongrois, né en 1881 et mort en 1959. À l’instar d’un reporter, Patrick Corillon joue sur la figure de l’artiste qui voyage pour réaliser des expositions et relate des épisodes de situations aventureuses propres à chacun des personnages invités. Image de l’art comme aventure, comme risque. Référence aux modes que l’on crée dans l’enfance.

D’étape en étape, les personnages rebondissent et connaissent des rôles différents, pouvant être abordés à n’importe quel moment ou endroit, comme dans les séries TV, les bandes dessinées d’Hergé. Métaphore non sans saveur de l’œuvre. Une œuvre qui, à l’opposé des stratégies du monde d’aujourd’hui, ne se dévoile que progressivement, sans livrer la moindre image. Une œuvre au sens qu’Umberto Eco donne à ce mot, une œuvre qui n’en finit pas, un hypertexte qui s’ouvre à l’infini. Mais une œuvre à côté de laquelle on peut passer sans la voir tant elle se fond dans le contexte où elle apparaît et où la lecture, 1e texte devient le code d’accès obligatoire à son apparition.

Loin d’être des canulars destinés à déstabiliser, les anecdotes, les moments les plus insignifiants de la vie quotidienne des différents personnages que livre Patrick Corillon s’ancrent toujours dans les lieux où ils prennent naissance. La fiction est pour l’artiste un postulat de la réalité, non une fuite du réel mais une stratégie pour s’en approcher au plus près. Une méthode d’investigation.

Patrick Corillon renvoie mine de rien le spectateur à son actif de lecteur de l’art contemporain depuis Duchamp. Celui d’acteur qui donne vie à l’œuvre. Il formule à chaque fois un écran d’images mentales pour tout un chacun avec ses anecdotes. Rendre visible l’invisible, faire son propre cinéma, voilà ce à quoi l’artiste nous convoque. Mais à qui sait lire, à qui sait voir. À suivre…

Marc-Olivier Wahler

Vernissage le 7 septembre 1996
Exposition du 8 septembre au 27 octobre 1996