Artiste Artiste
Projet Projet
L’univers de Mariechen Danz s’apparente à un vaste théâtre baroque où le corps est le centre moteur de toute les connections, le véhicule primordial des pensées et des actions. Son approche artistique se construit d’abord avec des dessins au crayon, tandis que les sculptures et installations les suivent. Lors de moments décisifs du processus artistique, l’artiste réalise des performances uniques et sophistiquées pour étendre, élaborer et activer ses œuvres; sculptures, dessins et costumes prennent vie dans une sorte d’opéra total et inclassable. Elle ne donne pas la primauté à une forme d’expression en particulier, et les divers éléments qui composent son œuvre sont solidaires et connectés, constamment réorganisés, augmentés, transformés dans de nouvelles combinaisons.
L’exposition Ideographic Insulation réunit d’anciennes et de nouvelles œuvres de l’artiste spécifiquement axées sur le thème du corps. Pour Danz, il représente l’expérience même du savoir et constitue la première frontière à aborder, confrontant l’intérieur et l’extérieur, l’isolation et l’expansion, le contenu et le contenant. Elle étend cette dualité fondamentale du corps à l’ambiguïté constitutive de toute forme d’entendement. Danz est une pythie moderne qui se présente simultanément comme maître et élève, communiquant principalement sous forme de problèmes et de questions. Dans le défi artistique qu’elle engage, Mariechen Danz traite comme une matière les limites et le potentiel d’erreurs inhérents aux politiques du savoir et sa transmission. Elle crée des images imbriquées du tout et de la partie, et cherche à manifester autant que possible dans ses travaux la coexistence éternelle de la subjectivité et de l’objectivité. Le corps humain est toujours montré dans sa double identité d’observateur et d’objet d’observation. Il devient dans son œuvre l’image de la connaissance, les organes et leurs fonctions en dévoilent les trajectoires et les constructions.
Les costumes qu’elle crée ressemblent à des peaux dépliées et gonflées, des cartes – parchemins qui font office de supports d’ornements anatomiques et symboliques. Les corps, les costumes, comme toutes les créations de ce système excentrique portent la marque du langage; glyphes, signes idéographiques, schémas anatomiques, organes, matrices et diagrammes se mélangent de manière surréaliste en faisant référence à des faits, mythes et histoires de diverses cultures tant anciennes que récentes. Danz s’intéresse à toutes les formes de connaissance parallèles, oubliées, subalternes, susceptibles de créer des alternatives à la pensée admise. Sa vision phénoménologique de la connaissance ouvre de nouvelles perspectives sur la possibilité de vocabulaires extra linguistiques, inséparables de l’idée de pluralité et de mouvement. L’artiste place les découvertes anatomiques à l’époque de la Renaissance aux côtés de systèmes glyphiques mésoaméricains associés au corps humain, relevant les fausses lectures et les jeux de hiérarchie propres aux interprétations culturelles croisées. Elle recherche dans ces divers modes de représentations une pensée qui lie intimement les conceptions du corps aux mécanismes de construction du savoir, un système où la forme tend à exprimer la pensée.
Dans la profusion de liens entre les images et l’écriture, le texte n’apparaît véritablement qu’en mouvement, lorsqu’il est incorporé dans les performances, écrit au tableau, au mur, sur le corps, manipulé et chanté. Le recours à la musique pop est un élément crucial de sa démarche. Comme beaucoup de gestes de l’artiste qui tendent à porter une attention égale à toute chose, elle place au même niveau la culture élitiste et populaire. Parfaits moyens de communication grâce à l’accessibilité du format, la musique pop et le texte chanté en général exercent dans les performances leurs fonctions mnémoniques, rythmiques et poétiques, drainant de l’information. Le pouvoir de la pop, qui émane autant des objets que des actions, semble activer chimiquement un sentiment immédiat d’intégration et de compréhension. Cet état de conscience quasi physique, bien qu’en partie illusoire, est parfois délibérément altéré par l’apparition d’éléments abstraits, complexes ou incompréhensibles, qui font basculer l’audience dans une tension viscérale que l’artiste cherche à émuler constamment.
La transfiguration du monde est amenée par le jeu et par la force du grotesque qui dans l’art de Mariechen Danz prend tout son sens et son panache au sein du décor institutionnel. Les dispositifs didactiques, scientifiques, muséaux, qu’elle érige sont animés dans ses performances par d’énormes personnages ubuesques, fascinants, impériaux et absurdes. L’intérêt profond de l’artiste pour les amorces décisives du savoir et ses origines ne l’empêche pas de tourner en ridicule les écueils ethnocentristes de la pensée et les tentatives ratées de synthèses historiques.
Les performances élaborées de Danz augmentent encore la dynamique et la cohérence de son organisme artistique, questionnant et prolongeant le statut autonome des œuvres qui le compose. A l’occasion de l’exposition au CAN, l’artiste présente de nouvelles sculptures monumentales et singulières, qui semblent contenir en leur sein l’idée d’action et les attributs du vivant. Les expositions de Mariechen Danz condensent un long processus de création, et réintègrent une grande partie des œuvres et des questionnements que l’artiste ne cesse de développer, dans un projet total et évolutif. Cette perpétuelle remise en jeu – des objets, des pensées et des mots – s’appuie sur une philosophie qui cherche à exploser les certitudes, dans une balance subtile de naïveté et d’érudition. Apprendre et désapprendre sont chez Danz une seule et même hygiène d’esprit.
Mariechen Danz est née en 1980 à Dublin, elle vit et travaille actuellement à Berlin. Danz a étudié à l’Universität der Künste, Berlin ainsi qu’à la Gerrit Rietveld Academy, Amsterdam. Elle a reçu son Master en Art et Médias intégrés au California Institute of Arts en 2008. Son travail a été présenté dans des institutions telle que GAK- Gesellschaft für Aktuelle Kunst, Bremen, Kunsthaus Bregenz, New Museum, New York, Palais de Tokyo, Paris. Elle est la récente lauréate des prix Karl Schmidt-Rotluff (2014) & the Villa Romana Fellowship (2013).
Vernissage le 3 octobre 2014
Exposition du 4 octobre au 2 novembre 2014
Arthur de Pury, Marie Villemin, Martin Widmer, Marie Léa Zwahlen, Julian Thompson
The Dig of No Body, 2011 (courtesy Galerie Tanja Wagner Berlin)
Photo: Anton Satus
Costumes de la performance Knot in Arrow: The Dig of No Body, 2011 (courtesy Galerie Tanja Wagner Berlin)
Photo: Anton Satus
Womb Tomb, 2014
Photo: Anton Satus
Vue d’exposition
Photo: Anton Satus
Un un learning (KNOW AEON, KNOW OMIT), 2011
Photo: Anton Satus
Visuel de l’exposition:
Möslang & Möslang
CAN Centre d’art Neuchâtel, Ideographic Insulation