Projet Projet

Superamas phase n°3

Technique et Sentiment

Dès le 16 nov: Bibliothèque Andreas Züst + Ein Buch bei Nacht – objets pour la bibliothèque/Un projet de Ariane Roth, Mara Züst et Samuel Bänziger, www.andreaszuest.net, www.ebbn.ch + Massimo Furlan & Claire de Ribaupierre, Alexandra Leykauf, Beat Lippert

Par la suite: Développement de l’exposition au CAN et épopée dans les grottes de Dampierre sur Loire (F), en collaboration avec Monstrare_DPLG: Maxime Bondu, les frères Chapuisat, Markus Kummer, Bénédicte Le Pimpec, Beat Lippert, Benoît-Marie Moriceau, Arnaud Pearl, Guillaume Pellay, équipe du CAN

Technique et Sentiment est un projet complexe et ambitieux aux buts multiples. Cette troisième phase de la suite d’expositions évolutives intitulée Superamas se déroulera en quatre parties, dont les trois dernières seront réalisées en étroite collaboration avec l’association Monstrare:

A. Tout d’abord, le CAN accueillera la fascinante bibliothèque d’Andreas Züst, pour la première fois en Suisse romande et dans une nouvelle configuration. Le vernissage de la bibliothèque aura lieu le 16 novembre 2012.

B. Dans un deuxième temps (du 24 novembre au 3 décembre), les artistes et commissaires invités travailleront au CAN, en s’inspirant de la bibliothèque, pour développer les projets et le plans de l’exposition de la troisième partie. Ceux-ci seront exposés dans la deuxième salle du CAN.

C. Les artistes et commissaires se rendront alors trois semaines (du 4 au 23 décembre) dans des grottes situées à Dampierre sur Loire (près de Saumur en France) pour y réaliser l’exposition projetée. Une documentation, sous forme de photographies et de vidéos, sera régulièrement envoyée au CAN pour y être exposée au côté des plans initiaux. L’exposition réalisée dans les grottes sera ouverte au public le 21 décembre. Elle constituera la première manifestation culturelle sur ce site destiné à devenir un lieu de résidence et d’expositions d’art contemporain.

D. Enfin, le groupe reviendra au CAN pour y monter une exposition «miroir» de la version des grottes. Cette exposition s’inspirera de l’expérience réalisée dans les grottes pour proposer une réflexion sur l’influence du lieu d’exposition en opérant un grand écart entre les grottes et le white cube. Le vernissage de cette exposition aura lieu le 25 janvier 2013.

Technique et Sentiment est un projet extrêmement dense, qui touche à de nombreux thèmes de l’art contemporain comme à des questions portant sur le rapport entre artistes et institutions. Il s’agira néanmoins de mener un travail plus expérimental que théorique en plongeant les participants dans des contextes forts et contrastés.

La première partie du projet débutera avec la présentation de la bibliothèque Andreas Züst au CAN. Cette bibliothèque, constituée tout au long de la vie de l’artiste, collectionneur et scientifique Andreas Züst (1947-2000) constitue autant un témoignage unique et personnel qu’une approche étonnement diverse de notre société. Les champs d’intérêt multiples et associatifs représentés par ces ouvrages vont de la météorologie aux expériences psychédéliques, en passant par l’astronomie, la physique, la botanique, l’histoire de l’art, l’anthropologie, les expéditions polaires, la photographie, la peinture, la musique, le kitsch, les OVNI et les Hell’s Angels entre autre. Si, à l’instar de toute bibliothèque, elle représente la somme d’un savoir cumulatif, les choix subjectifs, et souvent esthétiques, d’Andreas Züst en ont fait un objet incarné qui semble s’opposer à l’idée d’une tour du savoir monolithique et impénétrable.

À première vue, il semble assez cohérent d’exposer un temple du savoir dans un temple de l’art, deux lieux qui symbolisent une certaine déférence pour la culture. Pourtant, d’un autre point de vue, ils s’opposent diamétralement: l’un résulte d’une accumulation menant à un trop-plein, l’autre consiste en un white cube, espace vide et neutre, issus d’un lent processus d’épuration et d’abstraction. Néanmoins l’attitude des visiteurs de ces deux types de lieux est assez similaire, ils sont généralement silencieux et respectueux, ils se déplacent précautionneusement comme s’ils cherchaient à ne pas se faire remarquer, comme s’ils entraient dans un espace sacré au sein duquel le moindre faux pas seraient immédiatement sanctionné par une force invisible. Cette impression de sacralité constitue sans doute la part résiduelle et irrationnelle que plus d’un siècle de positivisme scientifique, ainsi qu’une féroce volonté de désacralisation de l’art, n’ont pu faire disparaître.

La question du mouvement de sacralisation/désacralisation de l’art, de son milieu et du lieu qui l’accueille, constituera un des deux axes de travail proposés aux artistes et curateurs qui investiront le CAN dès que la bibliothèque y sera installée. Le deuxième thème sera celui du rapport entre artistes et institutions. Dans la critique institutionnelle développée par Hans Haacke, c’est finalement l’artiste qui devait devenir sa propre institution. Nous reprendrons cette affirmation pour la compléter par son image inversée en travaillant tant sur le «devenir institution» des artistes que sur le «devenir artiste» des institutions. Les artistes-curateurs (et les curateurs-artistes) devront donc travailler ensemble à une exposition collective, … conçue collectivement. Ils devront réaliser les plans d’une exposition qui sera montée ailleurs, dans les grottes de Dampierre sur Loire en France. Ces plans et projets, réalisés au CAN, en s’inspirant notamment de la bibliothèque d’Andreas Züst, seront exposés au centre d’art avant le départ de l’équipe pour les grottes. Il s’agira donc de penser une exposition, en étant confortablement installé dans le white cube du centre d’art, destinée à un lieu, qui dans l’imaginaire collectif, est à l’origine de l’art et du sacré, premier rejeton de la culture face à une nature hostile.

Le groupe prendra alors la route pour se rendre à Dampierre sur Loire, près de Saumur en France, pour investir des grottes troglodytes. Ce lieu privé, peu aménagé et très brut, accueillera pour la première fois une manifestation culturelle. Récemment repris en main par l’association Monstrare, constituée par de jeunes artistes et théoriciens français, il est destiné à être transformé en un lieu de résidences et d’expositions d’art contemporain. Ce site de 13’000 mètres carrés au sol sur trois niveaux fût façonné par son exploitation en tant que carrière d’extraction de Tuffeau (pierre blanche ou ocre utilisée pour toutes les constructions dans la région de la Loire). Il fût converti en champignonnière au milieu du XXe siècle, où les caves, arches et grottes, servaient alors à la culture des champignons dits «de Paris». Ce n’est qu’au début des années 1990 que le site fut totalement abandonné. Le niveau souterrain (niveau 0) est une vaste galerie courant sur plus de 13’000 mètres carrés autrefois utilisée pour la culture et le stockage des champignons et où l’on retrouve les anciennes installations de l’entreprise (réfectoire, vestiaires, etc..). Au niveau de la Loire (niveau 1), se trouvent cinq troglodytes datant du 15ème siècle et de vastes cavités creusées lorsque le site servait encore de carrière. Au dessus (niveau 2), s’étend un vaste champ qui comprend les 2/3 de la surface totale du site.

Les participants au projet vivront trois semaines dans les grottes elles-mêmes, en plein hiver, dans des conditions d’inconfort importantes. L’expérience de (sur)vie communautaire devrait avoir une forte influence sur le développement du projet d’exposition, ainsi que sur les réflexions thématiques liées à celui-ci. Ces dernières participeront par ailleurs au développement des projets ultérieurs de Monstrare sur ce site. Le collectif d’artistes français débute ainsi une certaine forme de «sédentarisation» qui pourrait la mener à se retrouver à la tête d’une institution, alors que l’équipe du CAN mène depuis quelques années une réflexion critique sur son propre rôle d’institution. La confrontation de ces deux situations au sein d’une expérience de vie forte devrait permettre la mise en place d’une exposition inattendue et explosive. Durant tout ce processus, une documentation sous forme de photos et de vidéos sera régulièrement envoyée au CAN. Elle y sera immédiatement exposée, venant ainsi compléter (et peut-être infirmer) les plans et projets que les artistes et curateurs y avaient laissé. L’exposition réalisée dans le grottes sera ouverte au public le 21 décembre, avec la volonté d’y recevoir, entre autres, les habitants du village de Dampierre sur Loire.

Début janvier l’ensemble des participants retournera au CAN pour achever ce jeu d’aller-retour conceptuel et physique entre le white cube et la grotte, entre deux lieux qui peuvent être vus comme à la fois très proches et très éloignés. Tous deux consistent en de grands espaces vides, univers protégés de l’extérieur, murs propices à accueillir des représentations, lieux de rituels. Leur distance symbolique est peut-être d’abord temporelle, comme si l’un se situaient au début de l’histoire de l’art – de la préhistoire – et l’autre en était l’aboutissement. L’image fait évidemment sourire, mais n’en reste pas moins stimulante pour penser notre relation à l’art et aux rituels sociaux qui l’accompagnent. La bibliothèque Andreas Züst, toujours exposée au CAN, représentera alors, toujours symboliquement, le lien entre les deux constitué par l’accumulation du savoir réalisée depuis cette fameuse nuit des temps.

Une exposition «miroir» de celle des grottes sera alors montée au CAN. Celle-ci tentera de faire le point sur les différentes expériences réalisées, tout en se confrontant aux plans et projets initiaux.

Bibliothèque Andras Züst

Andreas Züst (1947-2000) a été une grande figure de la vie culturelle zurichoise. Personnage prolifique, il a été photographe, peintre, collectionneur d’art, éditeur et producteur de film, bibliophile, scientifique et mécène. Au début des années 1970, il a documenté et photographié la scène culturelle et artistique zurichoise, dépassant les frontières entre sous-culture, haute culture, et culture pop. C’est avec cette même ouverture d’esprit que plus tard, il est devenu collectionneur et éditeur de livres d’art.

Au moment de son décès, la succession Züst comprenait un nombre presque incalculable d’objets, une collection de près de 1’500 œuvres d’art, une bibliothèque privée de plus de 12’000 livres, et une dizaine de milliers d’enregistrements sonores (vinyles, cassettes et disques compacts). Parmi ces biens, on trouve également une collection d’objets provenant de l’Arctique, la grande passion de ses dernières années.

Sa fille, Mara Züst, a supervisé son héritage artistique depuis 2000. En 2004, la collection d’art a été déposée à la Aargauer Kunsthaus et, depuis 2010, la bibliothèque Andreas Züst a pris une forme itinérante.

La Bibliothèque Andreas Züst

Sous l’impulsion de Mara Züst et d’Ariane Roth, la bibliothèque a pris une forme publique pouvant être présentée en divers lieux. Un ingénieux système de caisses modulables, développé par Rahel Flacher et Daniel Gafner, permet une configuration variable et personnalisée. Consistant en 12’000 volumes (associant les divers intérêts d’Andreas Züst comme la météorologie, la géologie, l’astronomie, la physique, la botanique, l’histoire de l’art, l’anthropologie, les expéditions polaires, la photographie, la peinture, la musique, le kitsch, les OVNIs, les Hells Angels, les expériences psychédéliques), la bibliothèque fait halte pour la première fois en Suisse romande. Cette collection regroupe des ouvrages rares et précieux, comme des publications populaires et plus courantes, écléctisme qui constitue sans doute la fascination que produit cet ensemble.

Le public pourra consulter la bibliothèque Andreas Züst au CAN jusqu’au 31 janvier 2013 avant qu’elle ne retourne à sa base, située à l’Alpenhof, St-Anton/Oberegg (AI).

Un projet d’Ariane Roth et Mara Züst
www.andreaszuest.net

Ein Buch bei Nacht – objets pour la bibliothèque Andreas Züst
Habib Ahmed Afsar, Ivo Mendes Baräo Teixeira, Beni Bischof, Gabi Deutsch, Daniel Gafner, Mariano Gaich, Estelle Gassmann, Peter Hutter, Norbert Möslang

Équipe du CAN
Arthur de Pury, Marie Villemin, Martin Widmer, Marie Léa Zwahlen, Julian Thompson